4e Conférence internationale sur le financement du développement : un tournant manqué pour la lutte contre la pauvreté et les inégalités de genre

La 4e Conférence internationale des Nations unies sur le financement du développement (FfD4), qui s’est récemment tenue à Séville, en Espagne, n’a pas relevé les défis de financement nécessaires pour l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, ont déploré les experts ayant pris la parole lors de l’événement SHE & Rights (Santé sexuelle avec équité et droits) tenu en juillet 2025.

Les résultats de la FfD4 n’ont pas réussi à influencer les décisions en matière de fiscalité, de dette, de commerce, d’aide et de financement public, qui auraient pu avoir un impact sur la vie des femmes, des filles, des jeunes et de tous les divers groupes de genres.

Selon Shobha Shukla (Leader féministe et coordinatrice de SHE & Rights), la FfD4 n’a pas réussi à restructurer l’économie mondiale de façon équitable. Elle a réduit les femmes et les filles à de simples « potentiels économiques » pour le profit.

« La FfD4 a considéré les femmes et les filles comme de simples « potentiels économiques » pour des « bénéfices économiques », sans réellement s’attaquer aux obstacles fondamentaux à la justice de genre, y compris les droits du travail, les garanties contre les abus des entreprises et la prévention de la violence basée sur le genre sur le lieu de travail », a déclaré Mme Shukla.

Axée sur le thème « La 4e Conférence internationale sur le financement du développement a-t-elle tenu ses promesses en matière d’égalité des genres et d’agenda féministe ? », la session de SHE & Rights a été organisée en amont de la 13e Conférence de la Société internationale du sida sur la science du VIH (IAS 2025) et du Forum politique de haut niveau 2025 des Nations unies (HLPF 2025), rencontre au cours de laquelle, Shobha a été la seule principale intervenante sur l’ODD 3.

Le Forum féministe insuffle un espoir de changement.

« L’agenda féministe fait référence à un système économique de transformation de genre qui est basé sur les droits à la justice, aux soins et à l’égalité pour tous de manière urgente. C’était un point central de la Déclaration politique du Forum féministe qui s’est tenu avant la FfD4 à Séville, en Espagne. Mais la FfD4 n’a pas réussi à mettre en œuvre l’égalité des genres et l’agenda féministe », a déclaré Sai Jyothirmai Racherla, directrice exécutive adjointe du Centre de ressources et de recherche Asie-Pacifique pour les femmes (ARROW).

Elle a rappelé que le document final de la FfD4 était une version diluée de la vision et de l’ambition de l’Agenda d’action adopté lors de la 3e Conférence internationale sur le financement du développement (FfD3) à Addis-Abeba, en Éthiopie (2015).

L’indispensable droit à la santé sexuelle et reproductive

Pour Mabel Bianco, médecin-activiste d’Amérique latine et présidente fondatrice de la FEIM (Fondation pour les études et la recherche sur les femmes), ce document est faible.

« Il mentionne par exemple, l’accès à la couverture santé universelle, mais pas à la santé sexuelle et reproductive. Or, c’est ce dont nous avons cruellement besoin, car il n’est pas possible de réaliser les ODD si ces droits ne sont pas reconnus, y compris l’accès à l’avortement sûr », a fait remarquer Mme Bianco.

De son côté, Lidy Nacpil (Coordinatrice du Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement, APMDD) souligne qu’il y a eu un manque de transparence tout au long du processus de négociation de la FfD4.

« La responsabilité du processus était absente et les restrictions à la participation de la société civile qui se sont poursuivies jusqu’à – et même se sont aggravées pendant – la conférence FfD4 de Séville étaient des obstacles majeurs », a déclaré Lidy Nacpil.

Des espaces pour la société civile qui se réduisent et se ferment

Zainab Shumail du Forum Asie-Pacifique sur les femmes, le droit et le développement (APWLD), a signalé qu’il y avait beaucoup de restrictions et un accès limité.

« Nous ne pouvions pas emporter de ressources, de publications ou de rapports que nous avions travaillé dur à produire en recueillant des preuves de nos réalités vécues à la base dans les nations du Sud. De tels incidents à la FfD4 communiquent un sentiment d’être sous surveillance, restreint et censuré. Nous avons également été limités dans notre accès à la salle pour dialoguer avec les gouvernements », a-t-elle déploré.

De fausses solutions

Pour Shereen Talaat, la fondatrice et directrice du Mouvement féministe du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord pour la justice économique, de développement et écologique (MENA Fem Movement), la FfD4 a trahi les droits des femmes, l’agenda féministe, le peuple et notre planète. De plus, sous le couvert de la « Plateforme d’action de Séville de la FfD4 », la conférence a présenté 130 initiatives qui étaient des fausses solutions.

« Seulement 4 % de l’aide publique au développement (APD) avait l’égalité des genres comme objectif principal. Moins de 1 % parviennent aux organisations féministes et de défense des droits des femmes. ONU Femmes a souligné un écart de financement annuel important de 420 milliards de dollars US qui est nécessaire pour atteindre l’égalité des genres dans les pays en développement. Le document de la FfD4 n’est pas un progrès, mais un recul », a ajouté Mme Talaat.

« La priorité donnée à l’intersectionnalité et la mise en évidence du lien entre la finance, le développement, les droits humains et l’égalité des genres étaient des agendas de plaidoyer clés pour nous en amont et autour de la FfD4. Nous espérions fortement que le processus de négociation de la FfD4 refléterait cela – mais dans la pratique, nous avons constaté qu’il y avait une séparation de l’égalité des genres et des droits humains des conversations sur la dette climatique et la justice fiscale », a déclaré Swetha Sridhar, chargée de recherche principale en politique mondiale chez Fos Feminista.

Notons que les experts se sont accordés à dire que la FfD4 a échoué à répondre aux besoins du Sud. Ils ont notamment souligné que les questions de dette, de fiscalité et de commerce sont intimement liées à l’agenda féministe pour la justice reproductive et sociale. Cependant, la conférence a séparé ces sujets, montrant une déconnexion entre les discussions financières et les droits humains.

« Nous n’allons pas nous arrêter tant que nous n’aurons pas atteint l’égalité des genres. Nous continuerons à faire notre travail pour exiger un modèle économique basé sur les droits, écologiquement juste, décolonial, intersectionnel, durable et centré sur la personne, internationales et des banques multilatérales de développement », a conclu Sai Jyothirmai Racherla d’ARROW. FIN

Ambroisine MEMEDE