Lutte contre le VIH au sein des populations clés : la discrimination, une entrave

La discrimination, une entrave à la riposte au Vih

La lutte contre le VIH et le Sida est un impératif et toutes les composantes de la nation doivent y contribuer car, toute forme de négligence ou d’exclusion est une poche de résistance qui relance les actions du virus.

Mais le constat est que, même si la prise en charge existe, la discrimination dont sont victimes des personnes vivant avec le Vih (Pvvih) est un frein à la riposte.

Pour en savoir plus, nous avons interviewé Eli (pseudo). Agé de 28 ans, Pvvih et para juriste, il nous a dit que les populations clés font partie des cibles qui doivent bénéficier d’une attention particulière et de suivi : il s’agit des professionnels du sexe (PS), des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), des usagers de drogues injectables (UDI) et des populations carcérales.

Les membres de ces communautés, dit-il, subissent déjà un rejet social à cause de leur statut, ce qui fait que ceux d’entre eux qui contractent le virus ont du mal à aller vers les centres de prise en charge et surtout les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Difficile accès au traitement

« Moi j’ai été traité de tous les noms de chacals ! J’ai été traîné de pasteurs en pasteurs, puis finalement chassé de la maison, à cause de mon orientation sexuelle. Et si mon homosexualité n’est pas tolérée, ce n’est pas mon statut sérologique qui le sera… Mais cela affaibli le Pvvih et le rend vulnérable aux infections opportunistes. Moi j’ai été recueilli par ma communauté, qui m’a été d’un grand soutien. Ce que je demande, c’est un peu de tolérance, cela aidera les populations clés à bénéficier du traitement au même titre que les autres », a expliqué Eli, soulignant que la discrimination et la stigmatisation sont des poisons mortels.

Il nous a aussi fait un témoignage assez touchant sur les revers de la discrimination.

« Mon ami Kokou par exemple, est un HSH vivant avec le Vih. Depuis 5ans qu’il a été dépisté positif, ce n’est que ce matin qu’il a pris la décision d’être fixé sur son statut. De quoi a-t-il peur si ce n’est la stigmatisation et la discrimination ? Ces deux mots sont des poisons plus mortels que le sida ! Kokou a refusé de passer au centre pour faire le 2ème test qui confirme ou infirme son statut. Malgré mes conseils et encouragements, ce jeune homme svelte et toujours souriant s’est replié sur lui-même. Après 5 longues années de vie retranchée et sans aucun traitement, il a finalement décidé de réagir face à sa santé qui ne cesse de se dégrader… », raconte Eli, de retour de chez son ami Kokou.

Vivre caché et malade

« Ce jeune est doté d’un professionnalisme vanté par ses clients, mais sa démarche et ses gestes efféminés ont toujours fait l’objet de curiosité et de questionnements, car l’homosexualité n’est guère tolérée. On comprend donc aisément que le Vih est la goutte d’eau qui fait déborder son vase de chagrin… Beaucoup d’entre nous n’ont pas eu le courage de se relever comme moi, et sont morts de la maladie », se plaint-il.

Avant d’ajouter qu’il y a plein d’adolescents dans cette situation, il y en a qui refusent de se faire dépister (même si on voit les signes de la maladie) et ceux d’entre eux dépistés positifs, refusent la prise en charge. Certains (comme Kokou) n’acceptent même pas leur statut car, ils ont toujours en tête les premières informations véhiculées sur le Vih et les regards de leur entourage. C’est de l’autoflagellation, et elle est mortelle.

Discrimination et stigmatisation, des poisons

Pour Eli, la discrimination et la stigmatisation sont des traumatismes, des poisons mortels. Et il est difficile de les effacer… « On y fait face dans nos familles, à l’église, au travail, dans la rue. On peut te refuser du travail à cause de ton orientation sexuelle et tout ça amène le Pvvih à se retrouver sans abri et confrontées à la pauvreté, ce qui complique davantage l’accès aux services de santé, alors que c’est son droit en tant qu’être humain », déplore-t-il.

Mêmes situation au niveau des professionnels du sexe, souvent maltraitées, désavouées même par les membres de leur famille. Gina (nom d’emprunt) est une ancienne PS qui, aujourd’hui accompagne ses consœurs pour les mesures préventives et aussi la prise en charge des Pvvih de sa communauté. Pour elle, la discrimination est vraiment une entrave à la prise en charge. Et même s’il y a une légère régression,  le mal existe et  fait partie de leur quotidien.

L’appel à la tolérance

« Il n’y a pas à proprement dit, de lois qui protègent les PS. Même des forces de l’ordre sensés nous protéger en tant que population, en abusent et nul besoin d’aller se plaindre : on te demande devant tout le monde quel travail tu fais dans la vie ; et tu es confondue. Les nôtres qui subissent des abus sexuels n’en parlent pas car, cela ne servirait à rien. Si l’environnement est favorable, cela favorise la prise en charge dans de meilleures conditions et les Pvvih seraient plus rassurées « , a longuement expliqué Gina.

Elle appelle à plus de tolérance, à divers niveaux car, c’est une question de santé, de vie. Tous et toutes, nous sommes des êtres humains. La lutte contre le Vih doit prendre en compte toutes les composantes de la société. Aucune exclusion ne favorise l’atteinte des objectifs, a ajouté Gina.

Rappelons que l’enquête de surveillance de seconde génération menée en 2023 (SSG2023), indique que la prévalence est de 8,7% au niveau des HSH et 5,8% au sein des PS, alors qu’elle est de 1,7 au sein de la population générale.

Ambroisine MEMEDE