Santé: Que faire pour protéger son cœur et ses artères ? (Interview)

Pr. Barragou auscultant un patient. (Photo GNONEGUE)

La communauté internationale a célébré mardi, la journée du Cœur sur le thème « comment protéger son cœur et ses artères ?.

A l’occasion, le président de la Société de Cardiologie du Togo (SOCART) et chef du Service de cardiologie du Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio (CHU S.O.), Pr René Baragou, dans une interview, a évoqué la prévalence inquiétante des maladies cardiovasculaires et les mesures préventives.

Togo-Presse : Professeur, dites-nous, pourquoi une Journée mondiale du Cœur?

Pr. René Baragou: Depuis 2001, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a retenu le 29 septembre comme Journée annuelle de prévention des maladies cardiovasculaires. L’OMS a instauré cette Journée pour attirer l’attention des communautés sur le poids que représentent les maladies cardiovasculaires dans le monde et les sensibiliser à la nécessité de prévenir ces affections. En effet, les maladies cardiovasculaires représentent un véritable enjeu de santé publique et selon les données de l’OMS, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Environ 18 millions de décès liés aux maladies cardiovasculaires sont enregistrés chaque année dans le monde. C’est un chiffre assez inquiétant et qui marque le poids que représentent ces affections.

Parlez-nous de quelques maladies cardiovasculaires, les causes et les manifestations ?

Les maladies cardiovasculaires sont dominées par l’hypertension artérielle (HTA) dont la prévalence au Togo est de 30%, ce qui veut dire qu’un adulte (18 ans et plus) sur trois tous sexes confondus souffre de la HTA.

Une personne est hypertendue lorsque sa tension artérielle est supérieure à 140 mm Hg au moment où son coeur se contracte (pression systolique) et supérieure à 90 mm Hg quand il se relâche (pression).

En plus de la HTA, nous avons les cardiomyopathies qui sont souvent marquées par une insuffisance cardiaque encore appelée «Le gros cœur».

Au Togo, sur 100 patients hospitalisés au service de Cardiologie, 4 6 souffrent de l’insuffisance cardiaque.

Nous avons aussi les valvulopathies qui sont une atteinte des valves cardiaques. Les valves cardiaques sont des structures situées à l’intérieur du cœur et permettent au sang de bien circuler. Ces valves peuvent être atteintes et le plus souvent en Afrique, elles sont atteintes par le rhumatisme articulaire aigu qui est dû à une infection par le streptocoque du groupe A. Tout commence par une angine de gorge suivie de complications.

Il y a également les maladies coronaires, c’est-à-dire des maladies des artères qui permettent d’irriguer le cœur. Ces artères peuvent être obstruées par un dépôt de graisse et entraîner de l’insuffisance coronaire ou l’infarctus du myocarde encore appelé la crise cardiaque.

Nous pouvons également retenir comme maladie cardiovasculaire, l’embolie pulmonaire qui est une obstruction des artères des poumons par des caillots de sang. C’est une maladie très mortelle avec un taux de 50 %. Enfin, nous pouvons retenir les cardiopathies congénitales chez les enfants. Toutes ces affections, lorsqu’elles ne sont pas dépistées tôt et traitées aboutissent à des complications puis au décès.

Qu’est ce qui favorise la survenue de ces différentes affections?

L’institution de la Journée du cœur a pour but de mettre un accent sur la prévention des maladies cardiovasculaires. Mais avant d’évoquer la piste des mesures préventives, nous devons faire connaître à la population les facteurs de risques de ces affections. On distingue les facteurs de risque cardiovasculaire non modifiables et les facteurs modifiables.

Parmi les facteurs non modifiables, nous avons l’âge. Il faut noter que tout homme, à partir de 50 ans et toute femme à partir de 60 ans courent le risque de devenir hypertendu.

En plus de cela, il faut reconnaître que l’homme est plus exposé que la femme à cette affection. Il faut aussi reconnaître que les sujets issus de parents victimes de ces affections courent des risques de les développer eux aussi. En ce qui concerne les facteurs de risque modifiables, nous pouvons énumérer l’alcoolisme, le tabagisme, l’hypercholestérolémie qui n’est autre qu’une forte concentration de graisse dans le sang.

Cet excès de graisse finit par boucher les artères et provoquer la survenue de la maladie cardiovasculaire.

Au nombre des facteurs modifiables figure également la vie de sédentarité et qui est marquée par l’absence d’activités physiques. Il faut également retenir comme facteur modifiable la consommation excessive de sel, de sucre et d’huile et/ou de graisse.

Nous pouvons citer aussi le stress, qu’il soit familial, social ou professionnel favorise la survenue des pathologies cardiovasculaires.

Nous ne devons pas passer sous silence les infections qui conduisent à la survenue des pathologies cardiovasculaires. Si on ne peut pas agir sur les facteurs non modifiables on peut cependant, agir sur les facteurs de risque modifiables, ce qui est intéressant.

En quoi consiste la prévention ?

Il existe deux types de prévention : la prévention primaire et la prévention secondaire. La première consiste à se protéger contre la maladie et dans ce cas, la chose la plus importante c’est la détection précoce de la maladie. Cela revient à dire que nous devons faire un bilan annuel de santé qui peut porter sur l’échographie du cœur et d’autres examens supplémentaires pour faire un état des lieux de la santé de notre cœur. Ce qui permettra de détecter éventuellement une affection. A partir de 18 ans, nous devons mesurer régulièrement votre tension artérielle.

Vous savez, l’hypertension artérielle (HTA) est souvent asymptomatique (absence de signes cliniques), c’est la raison pour laquelle on l’appelle « la tueuse silencieuse ».

Il faut aussi mesurer régulièrement le taux de glycémie pour s’assurer qu’on est à l’abri du diabète. Pour prévenir les affections, il faut agir sur les facteurs de risque modifiables. De manière spécifique, il faut réduire la consommation de sel, il faut perdre l’habitude d’ajouter du sel à table. La quantité de sel recommandée doit être inférieure à 5 grammes par 24 heures.

De façon pratique, pour respecter cette quantité, il est conseillé de cuisiner sans mettre du sel et de remplir une cuillère à café de sel et le raser. C’est cette quantité qui servira à saler tous les repas à consommer durant les 24 heures.

Il faut manger suffisamment de fruits et de légumes et pratiquer quotidiennement des activités physiques d’une durée moins supérieure à trente minutes et ce en fonction de ses capacités.

Toutefois, lorsqu’on ne peut pas faire des activités sportives chaque jour, il faut au moins trois séances d’au moins 45 minutes à une heure de temps par semaine. Il faut renoncer au tabac et ses produits, réduire la consommation d’alcool et limiter la consommation d’aliments riches en graisse.

En ce qui concerne la prévention secondaire, elle intervient lorsque la maladie cardiovasculaire est déjà installée.

En plus de la prévention primaire, ce volet recommande de prendre régulièrement les médicaments prescrits par le médecin de respecter les doses et la posologie.

Pour ce volet de la prévention, il est également recommandé de respecter les rendez-vous chez le médecin pour le contrôle de l’évolution de l’état de santé du patient.

Votre mot de fin

La fréquence des maladies cardiovasculaires devient de plus en plus inquiétante et constitue un problème majeur de santé publique. Elles sont la première cause de mortalité dans le monde et dans ce contexte de pandémie de la maladie à coronavirus, il faut reconnaître que les sujets qui souffrent de pathologies cardiovasculaires traînent des morbidités et courent des risques de développer des complications s’ils rentrent en contact avec le coronavirus.

Pour ce faire, ces types de malades doivent observer scrupuleusement les mesures barrières à la propagation du coronavirus, limiter les déplacements inutiles afin d’éviter d’être contaminés.

SOURCE : Togo Presse (Propos recueillis par Françoise AOUI)