Forum Togo-UE : Initiative destinée à « créer des conditions pour donner le tonus nécessaire à notre secteur privé » (Komi Selom Klassou)

Komi Selom Klassou.

Pour accompagner le secteur privé à jouer pleinement son rôle dans la réalisation du Plan National de Développement (PND), le gouvernement togolais a initié le tout premier forum économique Togo-UE, qui se tient les 13 et 14 du mois courant. En marge des préparatifs de ce grand rendez-vous d’affaires, le chef du gouvernement, Komi Selom Klassou, a accordé une interview à la presse publique, pour présenter les enjeux et les attentes de cette rencontre.

Selon lui, les enjeux « consistent fondamentalement à permettre au secteur privé togolais d’avoir beaucoup plus d’opportunités, en nouant des relations d’affaires avec leurs homologues de l’espace européen, mais aussi aux investisseurs étrangers de pouvoir venir fructifier leurs affaires ».

Le Premier ministre a insisté sur la paix et la sécurité, en invitant les Togolais à œuvrer au maintien de ces « fondamentaux » qui sont des « éléments déterminants pour l’entrée des investisseurs dans un pays ».

Il a lancé un appel en faveur de la mutualisation de « nos efforts et nos énergies, pour que la mise en œuvre du PND soit une réussite ».

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire comment est née l’idée d’un forum Togo-UE ?

Komi Selom Klassou: Merci pour cette question pertinente. D’abord, il faut noter que la préoccupation du président de la République est de créer les conditions pour un développement partagé au profit de nos concitoyens et favoriser l’émergence de notre pays. Par conséquent, le gouvernement, sous le leadership du président de la République et dans une démarche inclusive, a élaboré le Plan National de Développement (PND) sur la période 2018-

2022. Je mets l’accent sur l’approche qui est inclusive, c’est-à-dire que les secteurs public, privé, la société civile et même les partenaires en développement ont été associés dans la conception et l’élaboration de ce Plan. Lequel est bâti sur trois axes principaux à savoir : « faire de notre pays, un hub logistique d’excellence et un centre d’affaires de premier ordre dans la sous-région », « développer des pôles de transformation aux plans agricole, manufacturier et aussi au niveau des industries extractives », « renforcer les mécanismes d’inclusion économique et sociale ».

Pour la mise en œuvre de ce plan, il faut des moyens qui s’élèvent sur la période indiquée à 4622,2 milliards de F CFA. Le secteur privé qui, de tout temps, est le moteur de la croissance économique, l’organe qui doit créer de l’emploi, mais également de la richesse, doit jouer son rôle dans la mise en œuvre de notre PND. Si, le secteur privé doit jouer ce rôle, il faudra que l’État puisse créer des conditions pour donner le tonus nécessaire à notre secteur privé. Raison pour laquelle, ce premier forum économique Togo-Union Européenne a été initié pour permettre au secteur privé togolais d’avoir un dynamisme qui puisse l’aider à être à la hauteur des attentes dans la mise en œuvre du PND. Ce forum va regrouper des hommes d’affaires, des détenteurs de capitaux européens qui vont venir découvrir les opportunités de notre pays, le Togo. Voilà un peu l’idée qui a soustendu l’organisation de ce premier forum économique Togo-UE.

Dites-nous M. le Premier ministre, comment les partenaires européens ont-ils accueilli l’idée ?

 

Les partenaires européens ont, naturellement, accueilli l’idée avec beaucoup d’enthousiasme et pour plusieurs raisons. D’abord, le Togo est un pays de paix, un pays où il y a la sécurité, deux ingrédients essentiels aujourd’hui pour tout pays qui veut promouvoir son développement, qui veut nourrir l’ambition d’être attractif et compétitif.

Je dois rappeler aussi que les investisseurs européens ont des mécanismes pour tâter le terrain, partout dans le monde entier, afin de déterminer les pays les plus attractifs. Pour cette raison, je vais souligner par exemple, l’accord de partenariat économique entre l’UE et les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACPUE). Si vous prenez cet accord de partenariat par le passé, le Togo a joué un rôle éminemment important. Il vous souvient, dans le cadre de la coopération, on a parlé de Lomé I, Lomé II, Lomé III et même de Lomé IV. Les démarches allaient aboutir, lorsque pour certaines raisons, on n’a pas pu signer la quatrième convention.

Mais, c’est le Togo qui est le pays qui a détenu le record dans la signature de convention entre les deux parties. C’est un élément qui est resté dans la mémoire des chefs d’entreprises de l’espace européen. Je veux dire le rôle que le Togo a joué dans la signature des conventions entre l’UE et les Etats ACP est un élément fondamental qui fait que notre pays est bien connu dans la sphère européenne. Je voudrais signaler un autre fait. C’est que les Européens, surtout, les opérateurs économiques, ont également des mécanismes pour noter, évaluer les pays qui sont les plus attractifs.

Si nous prenons le cas de la France, il y a le Conseil Français des Investisseurs en Afrique (CIAN) qui, chaque année, produit un rapport dans lequel les pays africains sont notés sur 5. Dans le dernier rapport, le Togo a obtenu 2,8 sur 5, ce qui le place dans le top 5 sur tout le continent. Ce qui veut dire que le Togo est noté comme étant un pays très attractif par le Conseil français qui n’est pas basé au Togo, mais qui évalue tous les opérateurs européens dans nos États africains.

Je pourrais poursuivre sur cette ligne en disant aussi que le dernier rapport du Doing Business de la Banque Mondiale a classé le Togo parmi les meilleurs en Afrique, pour avoir fait un bond de 19 places. Mais, lorsqu’on revient sur le continent africain, c’est le Rwanda qui a fait un peu plus de réformes sur le plan du climat des affaires, ensuite vient le Togo.

Dans l’espace UEMOA, le Togo, au titre de l’année passée, est le pays qui a fait un bond très remarquable. Cependant, lorsqu’on cumule notre avancée de cette année par rapport aux autres, la Côte d’Ivoire nous dépasse. Mais, d’une manière générale, le Togo reste un pays très attractif sur le continent africain et également au plan sous-régional.

Ceci s’explique par divers facteurs tels que la paix, la sécurité, mais également les facilités pour les opérateurs qui viennent au Togo. Voilà autant d’éléments qui ont justifié l’enthousiasme des Européens pour ce forum des 13 et 14 juin prochains à Lomé, où nous attendons environ 400 participants venant de tous les horizons de l’espace européen.

Quels sont les enjeux du forum Togo-UE et quelles en seront les retombées pour l’économie togolaise ?

Les enjeux consistent fondamentalement, à permettre au secteur privé togolais d’avoir beaucoup plus d’opportunités, en nouant des relations d’affaires avec leurs homologues de l’espace européen, mais aussi aux investisseurs étrangers de pouvoir venir fructifier leurs affaires. C’est aussi pour nous, dirigeants togolais, l’occasion de faire de sorte que notre pays puisse bénéficier davantage des Investissements Directs Étrangers (IDE). Sur les 4.422 milliards, le secteur privé doit apporter 65 % de ce montant. Il ne s’agit pas seulement du secteur privé national. C’est à la fois le secteur privé togolais et étranger. Pour cette raison, nous parlons de l’arrivée massive des investissements directs étrangers dans notre pays. Autre attente, il vous souvient qu’en janvier 2018, le chef de l’État a demandé que 20 % des marchés publics soient attribués aux jeunes et femmes entrepreneurs.

D’ailleurs, dans son adresse, le 26 avril dernier, devant les élus du peuple à l’Assemblée nationale, il a porté ce taux à 25 %. C’est dire donc que le secteur privé est le moteur de la croissance économique, l’organe qui doit créer de l’emploi décent massif, la machine qui doit créer de la richesse. Si tel est le cas, il faudrait que nous puissions injecter les jeunes et les femmes aussi dans ce secteur privé pour qu’à la fois, nous puissions créer de l’emploi pour la jeunesse, favoriser l’autonomisation de la femme et, d’une manière générale, créer des ressources pour faire face aux besoins de nos populations.

Quelles sont les catégories socioprofessionnelles qui en seront les principales bénéficiaires ?

Il y a les opérateurs économiques, les jeunes, les femmes, mais également au niveau des corps de métiers. N’oublions pas l’axe 2 du PND qui met beaucoup plus l’accent sur le développement des pôles agricoles. L’agriculture est le pilier de notre économie, contribuant à près de 32 % au PIB réel du pays. Si nous ajoutons aujourd’hui, les dimensions de la transformation des produits agricoles, c’est de la valeur ajoutée apportée sur ces produits. C’est aussi un moyen de créer une chaîne de valeurs, synonyme de l’emploi. Donc, ce que nous attendons de ce forum, c’est faire en sorte que tous les éléments constituent des pôles de développement pour une croissance. Nous faisons en l’occurrence cas du domaine des transports, avec le Port Autonome de Lomé (le seul port en eau profonde qui a bénéficié, ces dernières années, de suffisamment de modernisation), mais aussi, avec les infrastructures routières et l’Aéroport International Gnassingbé Eyadéma qui a été très rénové. Sur le plan de la région ouest-africaine, le Togo veut être la plaque tournante à partir de laquelle la connectivité est aisée pour aller avec facilité vers les autres capitales de la sous-région. Nous voulons faire en sorte que cette plaque tournante soit un moyen de création d’emplois et qui génère aussi des ressources. Nous avons souligné le cas de l’agriculture. Le Togo, aujourd’hui, a plus de 15 banques et établissements financiers. Nous pouvons capitaliser sur ces atouts pour faire du Togo un centre international de rencontres. Vous le savez bien, qui dit centre de rencontres, dit hôtellerie et les autres activités connexes liées à la plaque tournante que le Togo doit constituer. Alors les axes 1 et 2 de notre PND et les richesses qu’ils doivent créer ou générer feront que la redistribution de ces ressources va se sentir au niveau de l’axe 3 du PND, qui est de renforcer les mécanismes d’inclusion économique et sociale. Exemples, nous avons besoin de penser à l’éducation, de recruter et de former les enseignants, de mieux équiper les établissements scolaires, au regard du taux de croissance de notre population qui est d’environ 2,7 %, une population très jeune.

Parce que la première ressource d’un pays, c’est d’abord les hommes et les femmes, ainsi que la formation qu’il faut donner. Autre élément, les hôpitaux.

Pas plus tard que lundi, nous étions dans les environs de la capitale, notamment à Légbassito et à Vakpossito pour remettre aux populations, au nom du président de la République, des Centres Médico-Sociaux construits à coup de millions. Et ça va se continuer. Ces centres ont besoin des hommes et des femmes bien formés pour s’occuper de la santé de nos populations.

Ils ont besoin aussi de médicaments et de matériels. C’est dire que la redistribution des ressources que nous attendons dans la mise en œuvre du PND, c’est dans le panier de tous les citoyens et citoyennes.

Un mot à l’endroit de la population togolaise pour finir ?

Si j’ai un mot à dire, c’est de demander aux concitoyens de continuer à faire confiance au président de la République qui a une vision pour notre pays : faire en sorte que tous les Togolaises et Togolais trouvent leurs raisons de vivre dans ce pays, que nous puissions être acteurs et bénéficiaires du PND. Mais, aujourd’hui, dans la sous-région et, d’une manière générale, dans le monde, la paix et la sécurité sont menacées. Dieu merci, avec la vision et les actions pragmatiques du président de la République, notre pays bénéficie de ces valeurs qui sont mises à mal ailleurs. J’insiste sur la paix et la sécurité.

Donc, c’est le lieu pour nous d’inviter chacun et chacune à pouvoir jouer sa partition pour que nous puissions maintenir ces fondamentaux qui sont des éléments déterminants pour l’entrée des investisseurs dans un pays. Je voudrais rassurer nos compatriotes de ce que le gouvernement mettra toujours les bouchées doubles pour apporter des solutions à leurs préoccupations.

Mais, il faut qu’ensemble, nous puissions mutualiser nos efforts, nos énergies, pour que la mise en œuvre du PND soit une réussite et qu’ensemble nous soyons tous bénéficiaires.

Propos recueillis par Blandine TAGBA-ABAKI (Source : Togo Presse)