TROIS QUESTIONS à Agbéyomé Messan Kodjo: « Le souci de OBUTS n’est pas tant d’être la vedette du psychodrame politique togolais, mais un thérapeute efficient »

Ancien Premier ministre, ancien président de l’Assemblée nationale et plusieurs fois ministre sous le régime du général Gnassingbé Eyadéma (décédé en février 2005, après 38 ans de règne), Agbéyomé Kodjo dirige depuis plus de trois ans, l’Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire (OBUTS), l’une des grandes formations politiques de l’opposition au Togo. Dans sa rubrique « TROIS QUESTIONS à… », l’Agence Savoir News s’est rapprochée de M.Kodjo.Lisez.

Savoir News: Quelle appréciation faites-vous des discussions entre le gouvernement et les partis représentés à l’Assemblée nationale?

Agbéyomé Messan Kodjo

Les attentes pressantes de respect des droits humains et constitutionnels, de démocratie directe, de justice sociale et de prospérité partagée du Peuple togolais sont plus profondes que les jeux de rôles politiques faisant écho aux manœuvres politiciennes de Faure Gnassingbé. Les stratèges du RPT ne font que répéter les mêmes scenarii connus de tout observateur avisé de la scène politique togolaise, notamment feindre de privilégier le consensus politique en organisant en fin de législature un dialogue au forceps avec l’opposition pour des législatives transparentes ; ceci juste pour desserrer la double pression intérieure et extérieure afin de duper la communauté internationale, envoyant ainsi au charbon l’opposition entubée. Le dialogue actuel avec les partis parlementaires convoqué en pleine tourmente politique de la CNDHGATE et sur pression de l’UE procède malheureusement de la même dynamique, et il serait illusoire d’en espérer de grandes avancées démocratiques pour le Togo à moins que n’advienne une saine et vertueuse volonté politique de reconstruire le cercle d’éthique fracassé et immergé dans un torrent de sang en 2005 par Faure Gnassingbé et affidés dans leur volonté de s’adjuger le contrôle de tous les leviers d’Etat.

Une fois de plus, la preuve est faite de l’absence de vision prospective efficiente du développement de notre pays dans la mesure où le Pouvoir RPT/AGO n’a pu être en mesure de créer un cadre politique fiable générateur d’un débat public de grande qualité. Déjà en septembre 2011, le pouvoir avait mis en place par décret un cadre réglementaire (CPDC rénové) pour dialoguer avec l’opposition et la société civile en vue de s’entendre sur les reformes politiques dont le Togo a besoin pour retrouver son unité et le chemin de l’ancrage de la démocratie et de la prospérité partagée. Alors qu’aucune disposition réglementaire n’est venue abroger ce cadre dont nous avons dénoncé l’insincérité et l’imposture, voilà que le RPT seul sans sa dulcinée de fortune l’UFC, et sans justificatifs valables engage un nouveau dialogue qui reprend les mêmes thématiques que celles abordées au CPDC rénové, avec les partis politiques parlementaires qui avaient décliné l’offre du Gouvernement à prendre part aux travaux du CDPC rénové. Jugez-en par vous-même, et vous verrez qu’il s’agit bien d’une imposture et d’une escroquerie politique de plus qui frise tout au moins un état de «borderline» politique !

Savoir News: L’OBUTS est complètement « hors circuit » pour ces dialogues – au CPDC pour avoir claqué la porte et pour le « dialogue bis », parce que n’étant pas représentée au Parlement. Que deviendront vos propositions? Elles sont rangées dans les tiroirs?

Agbéyomé Messan Kodjo :

A votre avis, à quoi riment deux dialogues politiques simultanés pour conduire des reformes qui ont été actées dans l’Accord Politique Global (APG) depuis 2006, et que le gouvernement rechigne jusqu’à présent à mettre en œuvre ? C’est cette posture de duplicité et de fuite en avant qu’OBUTS n’a de cesse de dénoncer depuis des lustres. En réalité ce régime a perdu la confiance du peuple, et s’il était digne, il devrait restituer au peuple sa souveraineté confisquée dans la violence et la violation des droits humains. Il est un fait indéniable qu’aucune entreprise humaine ne peut prospérer s’il n’existe à la base entre les protagonistes un minimum de confiance. La confiance est le ciment du lien, sans elle aucune relation efficace n’est possible si ce n’est de l’imposture. C’est un état naturel qui découle de l’histoire relationnelle des acteurs en présence quels qu’ils soient ! Sans le tissage fin et subtil de cette confiance à travers l’histoire relationnelle, c’est la défiance, l’inverse de la confiance qui triomphe. C’est bien ce qu’exprime aujourd’hui le Peuple togolais à l’endroit de tout ce qui incarne ce régime. Alors, chacun se protège, se méfie de l’autre, doute de sa sincérité, s’enferme voire se replie, et facture son incertitude et son inquiétude soit en inertie, soit en violence. Bref chacun cesse d’être actif et fécond tant pour lui-même que pour la société à laquelle il appartient ! Si tant le cercle d’éthique n’était pas brisé sur la Terre de nos Aïeux, un gouvernement aussi décrédibilisé et décrié, coupable de tant de parjures et de dérives de toute nature, des trafics de tout genre, des actes de torture, de faux et d’usage de faux, de falsification, de népotisme, de l’accaparement des biens publics, des crimes de sang et économiques ; et ne méritant aucune confiance, ne saurait conduire des discussions politiques franches pour trouver la thérapie idoine à même de guérir la société togolaise de tous ses maux.

Le souci de OBUTS n’est pas tant d’être la vedette du psychodrame politique togolais mais un thérapeute efficient. D’où notre incessant travail de réflexion et d’action politiques, que ce soit seule ou en partenariat. Pour mémoire, la plateforme revendicative initiée en septembre 2011 par L’ALLIANCE et OBUTS, et à laquelle la CDPA et le PDP se sont joints plus tard, reste un document de travail pertinent pour de véritables solutions de sortie de crise pacifique et heureuse dans notre pays. La lettre ouverte du 10 février 2012 à Emmanuel Barosso, Président de la Commission européenne, le mémorandum OBUTS-CVU du 21 février 2012 pour la transparence électorale et la vérité des urnes, le positionnement ferme de OBUTS face à la CNDHGATE de même que son rôle actuel dans le processus de mise en place d’une coalition des forces de l’alternance et du changement démocratique en disent long sur sa vision et son action politiques.

Savoir News: Une affaire de « double » rapport de la CNDH a déclenché ces derniers jours, une vive polémique. Le gouvernement a pris en conseil des ministres, un certain nombre de mesures dont la réorganisation de l’ANR. Comment analysez-vous ces mesures prises par le gouvernement? Que souhaiteriez-vous concrètement?

Agbéyomé Messan Kodjo Nous sommes habitués au Togo aux effets d’annonce. Pour OBUTS, nous attendons concrètement que les lois de la République et les conventions internationales auxquelles le Togo est partie puissent s’appliquer dans toute leur rigueur à tous ceux qui se seraient rendus coupables d’actes de torture, et de traitements inhumains et dégradants sur des présumés coupables. Je souhaite que les mesures annoncées soient appliquées dans les meilleurs délais, et ce pour apaiser les vives tensions au sein de la population consécutivement à la détention des prévenus dans des lieux de détention illégaux. Par ailleurs, la démission du Gouvernement et de Faure Gnassingbé reste une question d’éthique politique suite à cette affaire de gangstérisme d’Etat dont ils se sont rendus complices passivement et activement ! FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

Savoir News, Une équipe jeune et dynamique

www.savoirnews.net, l’info en continu 24/24H