Série d’assassinats à Lomé ces dernières semaines: Dix présumes auteurs dans les filets de la gendarmerie, le lieutenant-Colonel Yark Damehane raconte le mode opératoire du réseau

Dix présumés assassins ont été arrêtés ces derniers jours par la gendarmerie nationale, dans l’enquête des meurtres enregistrés ces dernières semaines à Lomé. Ils ont été présentés ce jeudi à la presse.

Au total 12 corps – pour la plupart de jeunes filles – mutilés ont été découverts notamment à Agoè-Nyivé d’Agoè, une banlieue de la capitale togolaise.

Selon le directeur général de la gendarmerie, le lieutenant-Colonel Yark Damehane (En Photo), « la persévérance des enquêteurs et le système de renseignement par eux mis sur pied », ont permis d’interpeller ces dix présumés assassins.

« Après la découverte du quatrième corps le 19 juillet 2011 et au regard des éléments de similitudes relevés par ses services techniques quant à la nature des victimes, à la manière d’opérer et éventuellement au but poursuivi, le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale a mis sur pied depuis le 1er août 2011, une grande commission d’enquête sous la Direction du Commandant de Groupement de Lomé. Des moyens humains et matériels non négligeables étaient mis à la disposition de cette commission qui regorgeait de grandes potentialités au regard de la diversité de qualifications de ses membres », a déclaré devant la presse Yark Damehane.

« Ceci n’a malheureusement pas permis d’arrêter très tôt le phénomène, les auteurs de ces actes ignobles, prenant toujours le pas sur les méthodes employées. La persévérance des enquêteurs et le système de renseignement par eux mis sur pied, ont permis d’interpeller dix présumés auteurs, constitués en plusieurs groupes », a-t-il souligné.

Parmi le groupe figure un charlatan Agouzé Tonato, arrêté le 8 novembre.

« Le nommé Agouzé Tonato, charlatan fétichiste demeurant à Sanguéra a été contacté par un de ses clients qui lui a demandé de lui trouver du sang humain. Sans tarder et contre une somme d’argent, il accepte la proposition et met les gens sur le terrain. Informée, la gendarmerie nationale a infiltré le réseau. Le sieur Tonato sera interpellé le 8 Novembre 2011 à 17 heures 20 minutes, en flagrant délit au moment où son envoyé lui remettait du sang contenu dans une seringue conditionnée dans une glacière. Interrogé, il déclare être au service d’un certain Fousséni, son client, qui lui a commandé ce produit et qui a mis préalablement à sa disposition la seringue et la glacière par l’intermédiaire d’un conducteur de taxi-moto nommé Adraké Yao Dogbéda », a indiqué le directeur de la gendarmerie.

Recherché, le nommé Fousséni Adinda sera interpellé: « Interrogé, il reconnaît sans détours les déclarations du charlatan. Il précise que ce sang était destiné à fructifier de l’argent pour lui-même et pour le nommé Bodé par les services d’un certain Bawoumondom Kondo-Ani dit « Abou » qui se passe pour un marabout béninois de passage à Lomé », a poursuivi le lieutenant-Colonel Yark Damehane.

L’interpellation du supposé marabout Abou a permis de mettre la main sur d’autres individus qui, en réalité, font partie d’un vaste réseau d’escrocs. Il s’agit de : Badawasso Tcha, dit Ibrahim et connu sous le nom de « Commerçant », Ousmane Boukary dit « Gros », Magliwè Ayarma dit « Papuce », Joseph Dadja et Falapalaki Alex Badawasso dit « Ousmane ».

Selon le Directeur de la gendarmerie nationale, l’audition du marabout Abou a permis de mettre à nu le mode opératoire du réseau.

Pour agir, les membres du réseau ciblent leurs victimes parmi ceux qui nourrissent le désir de prospérer en un temps record et à qui ils proposent leur pouvoir de produire de l’argent à partir des moyens mystiques. Pour les convaincre à embarquer dans l’illusion de l’opulence, ils procèdent à des mises en scènes au cours desquelles les victimes constatent l’apparition des billets de banque estimées à des centaines de millions de francs CFA.

Afin de rentrer en possession, de l’argent, ils font croire aux victimes qu’il est indispensable de procéder à des rituels. C’est ainsi qu’ils leur demandent de façon graduelle, des sommes d’argent et des objets au départ facilement réalisables notamment 10.000 ; 20.000 ; 50.000 ; 100.000 F CFA; des plateaux d’œufs, boîtes de lait; parfums ; bêtes et volailles.

« Une fois toutes ces demandes satisfaites et se trouvant dans l’incapacité de livrer les sommes d’argent promises, ils montent au deuxième degré. A ce stade, ils exigent des victimes des produits rituels dont eux seuls maîtrisent le circuit d’acquisition : parfums de haute gamme, percale (bandeau servant à couvrir les orifices) utilisé sur les cadavres dont l’âge est compris entre 18 et 22 ans, eau bénite et autres », a-t-il poursuivi.

« Après avoir encaissé ces faramineuses sommes d’argent demandées, sachant qu’ils sont dans l’impossibilité absolue de satisfaire les victimes, ils passent au troisième degré. Cette phase consiste à demander aux victimes d’apporter du sang ou des organes humains aux fins de rendre utilisable l’argent supposé fabriqué mystiquement en les laissant entendre qu’on ne peut devenir immensément riche sans utiliser du sang humain. Ce sang humain est désigné par eux sous le vocable de +l’huile+ ou +mercure rouge+. L’opération à ce stade appelée +Close+ consiste à conduire leurs victimes à démissionner. Mais celles-ci s’étant complètement dépouillées et surendettées de surcroît et dans l’espoir de refaire surface se lancent à la recherche et finissent par trouver le produit demandé », a précisé le lieutenant-Colonel Yark Damehane

Voici la suite de la déclaration du lieutenant-Colonel Yark Damehane

« Dans le cas d’espèce, Abou, le marabout et ses acolytes après avoir soutiré environ trois millions de francs à Fousséni et à Bodé, leur ont fait voir une supposée somme d’argent d’une valeur de cinquante-cinq millions (55.000.000) de francs CFA contenue dans une mallette. Ayant fermé la chambre de Bodé où se trouve la mallette, Abou a exigé du sang humain en vue de libérer l’argent qu’il a produit.

Dans un premier temps, sur proposition de Kpatcha et de M’Bah, deux membres influents du réseau, Bodé se rend à Kpalimé où il obtient le sang contenu dans une seringue emballée dans un plastique noir. Selon Kpatcha et M’Bah, ce sang qui coûte un million de francs CFA, est le reste de celui que leurs clients de Morétan (P/Est Mono) avaient fourni contre la somme de trois millions de francs CFA pour une opération similaire.

Dans un deuxième temps, ayant estimé que ce sang n’était pas de la qualité requise, Abou demande à Fousséni et à Bodé une somme de trois millions de francs CFA en vue de s’en procurer au Nigeria. Faute de moyens, Fousséni préféra le trouver sur place par l’entremise de son charlatan Tonato Agouzé résidant à Sanguéra.

Face à la lenteur de Fousseni et de Bodé d’apporter le sang demandé, Abou leur propose de fournir une somme de cent mille francs CFA en vue de lancer des jeunes susceptibles de trouver le produit sur le terrain.

Il faut rappeler que dans ses recherches tous azimuts, la Gendarmerie Nationale avait déjà mis la main sur un autre réseau se livrant à des activités similaires dans le quartier d’Agoè Nyivé.

En effet, ce réseau composé de Komi N’Bouke, Komla Bédé, Koffi Koyi Lombo et Adjé Yawo Kleli a tenté d’assassiner le nommé Mazama-Esso Donso, menuisier demeurant à Agoè Logopé. Ce même groupe a également conspiré l’assassinat de mademoiselle Chérifa Mayaba élève à l’Ecole Privée Laïque «Mawugnon» à Agoè Logopé. Ses suspects ont été interpellés à Tohoun alors qu’ils tentaient de fuir vers la République du Bénin.

Tous de nationalité togolaise, ces criminels ont planifié des assassinats en vue de sectionner des organes et de soutirer du sang au profit d’un El Hadj. Dans la recherche de leurs victimes, ils ont décidé d’assassiner le sieur Mazama-Esso Donso, un ami de Komi N’Bouké. C’est ainsi que dans la nuit du 20 au 21 octobre 2011, ils ont invité celui-ci à prendre un pot. Après lui avoir offert un verre d’alcool « Sodabi », ils l’ont conduit dans un bar où ils l’ont fait consommer une bonne quantité de bière. Poursuivant leur manœuvre, ils ont demandé à la victime de les accompagner chez une de leurs sœurs à Adétikopé à motos. Chemin faisant, ils abandonnent la route nationale n°1 et empruntent un sentier conduisant vers la brousse. Après quelques centaines de mètres, Adjé Kléli qui remorquait la victime s’arrête, obligeant celle-ci à descendre de la moto.

A l’arrivée de Koffi Bédéet de Komi N’Bouké , ce dernier sort de la manche de sa chemise un coupe-coupe et assène un coup de machette à la victime au niveau du cou, en vue de la décapiter. N’étant pas atteinte mortellement, cette dernière a réussi à se sauver dans la broussaille. Après avoir recherché vainement leur victime, ces malfrats quittent précipitamment la ville, craignant d’être dénoncés par elle.

Deux jours plus tôt, le même groupe avait projeté d’assassiner la nommée Chérifa Mayaba, la copine de Komi N’Bouké. L’opération devait être exécutée dans la chambre de ce dernier. La nuit choisie pour la circonstance, elle a été invitée par son copain, mais l’opération avait avorté. Le lendemain soir, N’Bouké a réitéré l’invitation. A l’arrivée de Chérifa, il fait appel à Kléli et Bédé. Ceux-ci lui demandent de l’étrangler avant leur arrivée pour l’imputation des organes. C’est ainsi qu’ils ont accouru sur les lieux, mais ont été surpris par l’arrivée inopinée de Hezouwè, une camarade de la victime.

Interpellés et interrogés sur ce qu’ils allaient faire du corps de leur victime, ils ont déclaré qu’ils allaient le jeter dans la réserve de Cacavéli, endroit où un autre corps avait été déjà découvert précédemment.

Il convient de préciser que toutes les personnes interpellées et celles qui sont actuellement recherchées résident dans le secteur d’Agoè Nyivé et ses environs.

C’est le lieu d’appeler la population à plus de vigilance et de collaboration avec les forces de sécurité, afin de permettre à ces dernières de mettre la main sur d’éventuels autres suspects ».

Junior AUREL

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