Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : « Le pouvoir en place aurait pu faire beaucoup de choses pour mieux accompagner la CVJR »

La Commission Vérité , Justice et Réconciliation (CVJR) a entamé depuis plusieurs semaines, ses audiences publiques, privées et à huis clos. Ainsi, après Lomé, Dapaong, Kara, Sokodé, Atakpamé, Tsévié, Aného et Kpalimé, les membres de la CVJR poseront une fois encore leurs valises dans la capitale togolaise pour la suite de ces audiences. Elles se dérouleront au siège de la Commission du 9 au 17 novembre.

Pour Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, dans une interview exclusive à l’Agence Savoir News, « le pouvoir en place aurait pu faire beaucoup de choses pour mieux accompagner la CVJR » dans sa mission. Mais elle se dit « convaincue » qu’il en sortira « forcément quelque chose qui rapprochera la plupart des Togolais, malgré les imperfections ».

Candidate malheureuse à la présidentielle de mars 2010, Mme Adjamagbo-Johnson, est la première femme à se présenter à un scrutin présidentiel au Togo.

Membre très active de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA, l’un des principaux partis d’opposition togolais, dirigé par Léopold Gnininvi), Mme Adjamagbo-Johnson est également coordinatrice sous-régionale (Afrique de l’ouest) de WILDAF, un réseau régional composé de 24 pays africains.

Savoir News : Quelles appréciations faites-vous du déroulement des audiences de la CVJR ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson

: Je pense que cette justice transitionnelle, il nous la fallait, et je voudrais apprécier la ténacité des membres de la CVJR , et principalement de son président, parce que je sais qu’ils travaillent dans un contexte qui n’est pas des plus favorables. C’est évident que tout ne se passe pas comme on aurait voulu. Par exemple, comme tout Togolais, nous avons été choqués par le fait que des auteurs de violations de droits en se présentant devant la Commission , n’aient pas l’honnêteté et l’humilité de reconnaître leur tort et demander pardon, parce qu’au fond, c’est l’objectif qui est poursuivi. J’ai pu apprécier le fait que les audiences aient fait ressortir des violations de droits, certaines de ces souffrances qui ont profondément marqué le peuple togolais. Je crois qu’il faut maintenant faire en sorte que les auteurs jouent davantage le jeu.

Savoir News : Selon vous, que doit faire la CVJR pour que les « auteurs jouent davantage le jeu »?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : Ce que la CVJR doit faire? Je pense qu’elle a essayé de faire. Mais il faut qu’elle continue de communiquer et qu’elle communique mieux. Peut-être, faut-il avant les audiences, mieux préparer aussi les victimes, autant que les auteurs. Mais au-delà de ce que la CVJR peut faire, il y a aussi, ce que le gouvernement peut faire, ce que la première autorité de ce pays, le chef de l’Etat peut faire pour créer un climat qui soit plus propice à un exercice qui consisterait en ce que la victime puisse se libérer en parlant librement de ce dont elle a souffert. Et que l’auteur de ces souffrances puisse aussi répondre. Qu’il n’y ait pas de menace au fond pour lui.

Tout ce qui est en jeu, c’est retrouver à la fin, une certaine cohésion sociale, une certaine réconciliation entre les fils et les filles de ce pays.

Savoir News: Avez-vous vraiment l’impression que le pouvoir n’accompagne pas la CVJR ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : Le pouvoir en place aurait pu faire beaucoup de choses pour mieux accompagner la CVJR. On aurait pu assister à un investissement personnel du chef de l’Etat. On aurait pu mettre davantage de moyens à la disposition de la CVJR. Par exemple qu’il y ait une diffusion des audiences, une diffusion plus engageante et qui attire davantage les togolais à suivre le processus et qu’au finish, les populations togolaises s’acceptent mutuellement, se pardonnent et acceptent de faire route ensemble. J’ai eu l’occasion de dire qu’on aurait pu aménager les choses de telle sorte que ceux qui doivent vaquer à leurs occupations quotidiennes, aient la possibilité – par exemple à partir de midi ou dans l’après-midi – de suivre les audiences qui se dérouleraient (non pas que le pays arrête de tourner).

Il y a eu ce genre d’aménagement pendant la conférence nationale souveraine.

Savoir News : D’aucuns estiment que la mission de la CVJR est vouée à l’échec. Êtes-vous de l’avis de ceux-là ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson

: Je ne suis pas de cet avis, parce que je suis convaincue que, malgré les imperfections, il en sortira forcément quelque chose qui rapprochera la plupart des Togolais. Et surtout, il est de notre devoir, en tant que citoyens, en tant que responsables politiques et en tant que membres de la société civile, de tout faire pour aider la CVJR. Nous devons faire en sorte que son travail porte des fruits dans l’intérêt du Togo.

Savoir News : Quels conseils avez-vous à donner au président de la CVJR ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : De persévérer, de ne pas se laisser décourager par les critiques. Mais, en même temps, continuer à demander aux autorités d’améliorer l’environnement dans lequel la CVJR fait son travail.

Propos recueillis par Junior AUREL

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