Premier jour des audiences à Kpalimé: 17 témoins et victimes auditionnés ce samedi par la CVJR

Les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) ont démarré ce samedi à Kpalimé (environ 120 km au nord de Lomé) où 17 témoins et victimes ont été auditionnés pour cette seule journée, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.

Les auditions sont relatives aux violences intercommunautaires de Bodjé et Medjé en 1991 et 1992 ; aux déplacements des populations qui s’en sont suivis; aux agressions physiques dans les années 1990 à 1993, ainsi qu’aux violences de 1963.

Agbessi Valentin a été le premier à se présenter devant la commission en évoquant les actes de violences subis à Bodjé.

« Mon père était cultivateur et chef de Bodjé. Il employait des Kabyè comme métayers. Après chaque récolte, il donnait les produits de la récolte aux métayers. Et c’est ce qui se faisait depuis 1970, où les Kabyè ont décidé unilatéralement de ne plus donner les récoltes aux propriétaires terriens. Cela a créé une vive tension entre les deux communautés. Le 27 avril 1991, mon père a été arrêté, tout simplement parce qu’il n’était pas intervenu lors des violences à Bodjè. Au fait, il n’était pas au courant. C’est un kabyès qui avait tiré sur mon frère. Cela a énervé la population autochtone qui n’a pas attendu pour mettre feu aux cases des Kabyè. Les Kabyè qui s’entendaient avec leurs patrons, ont été protégés et ceux qui n’étaient pas en bon terme avec le patron ont été chassés », a-t-il révélé.

Togbui Awouklou Yawo Gougou VII, chef du canton de Kpélé Adéta, a indiqué que les évènements de Bodjé ont été l’oeuvre d’une seule personne, car les populations s’entendaient bien: « Dans l’affaire de Bodjé, il y a un seul individu qui a tout déclenché. Il s’appelle Kablè Kossi, il est lui-même Kabyè et chauffeur. C’est lui qui a tout manigancé ».

Pour Mawuvi Kodjo, les violences à Bodjà sont non seulement liées au décès du jeune Etsé – tué par un kabyès -, mais également à des problèmes fonciers.

L’analyse des différents témoignages a permis à la CVJR de faire les observations suivantes :

A propos des violences intercommunautaires de Bodjé et Medjé intervenues en 1991 et 1992, il apparaît selon les personnes auditionnées, que les rivalités ont dégénéré à la suite d’un incident regrettable survenu entre deux individus sur un fond de problèmes fonciers entre propriétaires autochtones et métayers allogènes.

S’agissant des déplacements des populations entre 1991 et 1993, situation souvent récupérée par des partis politiques, le retour vers les zones de départ est encouragé par les chefs traditionnels des localités sinistrées d’hier, devenues à nouveau des terres d’accueil. La peur de représailles se dissipe pour la cohabitation pacifique progressive entre les autochtones et les populations chassées ;

Quant aux agressions physiques, la Commission a déploré l’usage excessif de la force exercée parfois par des agents de sécurité et les exactions des miliciens de partis politiques pour brimer, piller ou tenter d’assassiner des civils en raison de leurs convictions politiques ; En ce qui concerne les violences de 1963, elles ont permis de comprendre que la Région des Plateaux-Ouest n’a pas été épargnée par les règlements de compte.

Fidèle à sa mission, la CVJR a appelé les victimes de ces différents événements, malgré les séquelles que certaines traînent encore, à ne pas cultiver l’idée de vengeance.

Elle également rappelé que c’est à la lumière des informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement.

Dimanche, les audiences auront lieu en privé et à huis clos. Elles reprendront en public le lundi prochain à 8H GMT.

Rappelons que les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.

De Kpalimé, Nicolas KOFFIGAN

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