Deuxième jour des audiences: 20 témoins et victimes auditionnés par la CVJR ce vendredi à Tsévié

Vingt victimes et témoins, ont été auditionnés ce vendredi à Tsévié (environ 35 km au nord de Lomé) au deuxième jour des audiences publiques et privées de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.

Les témoignages ont porté notamment sur les violences sociopolitiques relatives à l’élection présidentielle d’avril 2005, les exactions qui ont émaillé les consultations électorales en août 1993 et en juin 2003 et divers dossiers liés à des violations des droits humains, et qui concernent la carrière d’un sous-officier de la gendarmerie, la chefferie traditionnelle et des disparitions d’hommes.

S’agissant des violences liées à la présidentielle de 2005, trois témoins et victimes ont relaté les intimidations et exactions qu’ils ont subies, en raison de leurs convictions politiques.

En ce qui concerne les exactions relatives aux consultations électorales d’août 1993 et de juin 2003, les témoins et victimes ont mis en relief des cas de brimades exercées par des agents des forces de l’ordre ou des miliciens de partis politiques avec l’usage abusif d’armes à feu, d’élimination physique sommaire, de disparition de proches parents, de destruction de biens meubles et immeubles.

La Commission a également suivi le récit d’un gendarme réformé rescapé des camps de redressement d’Agombio et de Kazaboua qui a rapporté des cas de tortures vécues dans les années 1987 et 1988. Enfin d’autres victimes sont intervenues sur des problèmes de chefferie, et des exactions des Ablodé sodja.

Akoutor Kokou Robert, retraité de la fonction publique, a raconté devant la CVJR, les circonstances dans lesquelles son fils a été froidement abattu dans sa maison : « La scène s’est produite après la proclamation des résultats de la présidentielle de 2005. Il déjeunait dans sa chambre, les portes fermées. Ils ont tout défoncé et l’ont fait sortir. Ils ont tiré sur lui à bout portant ».

« Ensuite, c’est le préfet qui refuse de nous rendre le corps. Il a fallut d’abord l’intervention de mon petit frère gendarme », a-t-il souligné.

Wotobé Komi, photographe a indiqué qu’à Tabligbo, les troubles suivies d’exactions ont commencé depuis le 8 avril 2005, le jour où la population a réclamé des cartes d’électeurs.

« Le vendredi 8 avril 2005, on était parti à la préfecture pour réclamer nos cartes d’électeurs. Il y avait du monde. Le préfet a ordonné aux forces de l’ordre de nous disperser. Elles ont eu du renfort venu de Lomé. En tant que reporter photographe, je filmais l’évènement (…) Quelques minutes après, les gendarmes se sont lancés à la recherche du photographe qui filmait. J’ai fui Tabligbo pour une localité appelée Dévikinmé. J’ai constaté que ceux qui servaient de guide aux gendarmes, savaient là j’étais caché. J’étais obligé de quitter complètement Dévikinmé pour le Bénin où je suis resté pendant au moins 18 mois, avant de rentrer », a-t-il raconté.

Djodji Komlan Novigno, sous traitant dans une entreprise a de son côté, étalé devant la CVJR, les atrocités vécues le 8 avril 2005 à Tabligbo.

« Le 8 avril 2005, on devait retirer nos cartes d’électeurs au chef lieu de la préfecture de Yoto à Tabligbo. On a donc organisé une marche de protestation et arrivé à la préfecture, nous avions remis nos doléances au préfet. Nous avons été bien frappés par des forces de l’ordre. J’ai ensuite fui pour le Ghana, parce que j’étais recherché. J’ai fait huit mois au Ghana, avant de revenir », a précisé Djodji Komlan Novigno.

Le gendarme réformé, rescapé des camps de redressement d’Agombio et de Kazaboua, écouté par la CVJR a rapporté des cas de tortures vécues dans les années 1987 et 1988.

« J’étais sur une enquête relative à la fabrication d’argent. Au cours des investigations, j’ai réussi à mettre la main sur ceux qui fabriquaient de l’argent salle, mais l’un d’entre eux m’a dit que c’est un responsable de l’armée du Nom de Séyi Mèmène qui était leur chef. Malgré cette information, j’ai continué l’enquête. Et c’est le début de mon calvaire. Les gens ont menti sur mon compte que j’ai pris chez les fabriquant, une somme de plus d’un million. J’ai été gardé à la prison tristement célèbre d’Agombio, où j’ai subi toutes les exactions et maltraitances possibles », a-t-il révélé.

« Après quelques années, j’ai été libéré. On m’informa ensuite que j’ai été victime d’injustice. Mais depuis lors, je ne suis plus réintégré dans l’armée. J’ai trop souffert dans cette histoire », a-t-il raconté, plongeant toute la salle dans le silence.

A l’analyse des différents témoignages, la Commission a déploré les différents cas de violations des droits humains évoqués devant elle, que ces violations soient le fait des forces de l’ordre, de miliciens ou de responsables politiques. Le moment venu, elle proposera au gouvernement les mesures idoines pour réparer les torts causés de part et d’autre.

La CVJR rappelle que ces mesures concernent aussi bien les indemnisations, les réhabilitations que d’autres formes appropriées aux différents cas.

La Commission a appelé les victimes de ces différents événements, malgré les séquelles que certaines traînent encore, à ne pas cultiver l’idée de vengeance.

La CVJR qui privilégie la justice transitionnelle en organisant par ces audiences la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées, espère que chacun des Togolais fera sa part pour la pacification des cœurs et la réconciliation véritable.

Les audiences prendront fin samedi à Tsévié. Cette dernière séance sera consacrée à divers dossiers sur requête.

Après Tsévié, les membres de la CVJR poseront leurs valises à Aného, ville située à environ 45 km à l’est de Lomé.

De Tsévié Nicolas KOFFIGAN

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