La présidente du Forum, Pr. Awa Marie Coll Seck, a prononcé, le vendredi 31 octobre dernier, lors de la cérémonie de clôture du Forum Galien Afrique à Dakar, la Déclaration de Dakar sur la souveraineté sanitaire en Afrique. Ce texte, adopté en présence du président sénégalais Bassirou Dioumaye Faye, marque un tournant dans la lutte pour la souveraineté sanitaire du continent. Il appelle à une transformation radicale des systèmes de santé en Afrique, afin de garantir l’autonomie sanitaire du continent face aux défis actuels.
Le Forum a d’abord mis en lumière la situation alarmante de la santé en Afrique, soulignant que le continent « supporte plus de 24% de la charge mondiale de morbidité pour seulement 3% des effectifs mondiaux de santé et moins de 5% des dépenses mondiales de santé ». Cette inégalité se traduit par une dépendance inquiétante aux importations de médicaments, avec des coûts élevés, des pénuries et des risques d’insécurité thérapeutique. « Plus de 70% des médicaments essentiels et des produits de soins de base sont importés », exposant les pays africains à des ruptures d’approvisionnement et à des médicaments de qualité douteuse, comme cela a été révélé lors de la pandémie de COVID-19.
« Définir ses propres politiques de santé… »
La déclaration insiste sur la nécessité de renforcer la souveraineté sanitaire de l’Afrique, qui se définit par la capacité du continent à « définir ses propres politiques de santé, se doter soi-même des produits de santé stratégiques » et garantir « un accès équitable pour tous ». Cette souveraineté est essentielle pour la sécurité, la stabilité économique et le développement humain durable de l’Afrique. Elle repose sur un engagement politique fort de la part des États africains, le financement endogène, l’autonomie scientifique, ainsi que l’innovation locale.
Pour réaliser cette souveraineté, plusieurs leviers stratégiques sont mis en avant. La production locale est un élément clé de cette transformation. Il est proposé de « créer des environnements favorables » pour attirer les investissements dans la fabrication de médicaments, de vaccins et de technologies médicales. À cet égard, la création d’un Fonds Africain pour l’Innovation en Santé est envisagée pour co-financer la recherche et le développement (R&D) de nouveaux médicaments, en particulier pour les « maladies transmissibles, non transmissibles, maladies tropicales négligées ».
En parallèle, la déclaration de Dakar appelle à promouvoir les savoirs traditionnels et endogènes et à les intégrer dans les chaînes de valeur modernes de la santé. Un équilibre entre « l’accès aux innovations et la protection des brevets » est également nécessaire, avec une stratégie continentale sur la propriété intellectuelle visant à encourager l’accès aux technologies tout en protégeant les droits des inventeurs.
Appel à l’application de l’accord d’Abuja sur le financement de la Santé
Le financement des systèmes de santé reste un défi majeur. La Déclaration de Dakar insiste sur l’augmentation de l’allocation budgétaire nationale à la santé, conformément à l’Accord d’Abuja de 2001, qui préconise d’allouer au moins 15% des budgets nationaux à la santé. Des mécanismes de financement innovants, tels que des taxes sur les produits nuisibles à la santé et des partenariats public-privé (PPP), doivent être mis en place pour assurer un financement pérenne des systèmes de santé africains.
Le renforcement de la gouvernance et de la régulation des systèmes de santé est un autre point essentiel. La Déclaration appelle à l’opérationnalisation de l’Agence Africaine des Médicaments (AMA) pour harmoniser l’enregistrement des médicaments à travers le continent et garantir leur qualité. Les Communautés Économiques Régionales (CER) doivent également être soutenues dans la mise en œuvre coordonnée de politiques pharmaceutiques régionales.
Le Forum insiste aussi sur l’importance de former et de retenir le personnel de santé. Il est proposé de mettre en place des plans de carrière attractifs et des conditions de travail décentes pour les professionnels de santé, tout en développant des programmes de leadership pour les jeunes et les femmes. Cette initiative vise à placer ces groupes au cœur de la transformation sanitaire du continent.
Soutenir les start-ups de santé…
La souveraineté sanitaire ne saurait être réalisée sans garantir un accès universel aux soins. La Déclaration de Dakar recommande d’intégrer la « souveraineté sanitaire » dans les stratégies nationales de la Couverture de Santé Universelle (CSU), de réduire les inégalités d’accès aux soins, en particulier pour les populations rurales et vulnérables. Le Forum appelle aussi à « renforcer les systèmes d’approvisionnement et de distribution logistique » pour garantir que les médicaments essentiels parviennent au dernier kilomètre, un enjeu majeur pour de nombreux pays africains.
Le rôle de la jeunesse et des femmes dans cette transformation sanitaire est également mis en avant. La Déclaration appelle à « créer des incubateurs et des fonds dédiés pour soutenir les start-ups de santé dirigées par des jeunes et des femmes », en garantissant leur participation dans les instances décisionnelles. Il est également recommandé de mettre en place des programmes de mentorat et de bourses pour encourager les jeunes chercheurs et entrepreneuses en santé.
En conclusion, la Déclaration de Dakar constitue un appel fort à l’action collective et solidaire pour garantir la souveraineté sanitaire en Afrique. Elle invite les États africains, les partenaires internationaux et le secteur privé à s’engager pleinement pour renforcer l’autonomie sanitaire du continent et garantir l’accès de toutes les populations à des soins de qualité. La mise en œuvre de ces engagements, suivis annuellement, est essentielle pour construire un avenir plus sain et plus équitable pour l’Afrique.



